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Photo du rédacteurAndréanne Tessier inf

L'allergie au gris



À toi qui a hurlé dans l’anonymat d'un blogue "# Çavabenaller... pas tant que ça!", je pense à toi. Dans tes écrits, j'entends ta souffrance et je m'inquiète pour toi. Pour toi et pour toutes les toi. Parce que tu n'es pas seule. Parce qu'il y a un paquet de femmes, d'hommes, de filles et de garçons qui comme toi, sont allergiques au gris de l'incertitude.


Parce que tu sais, c'est normal d'être inquiet devant l'incertitude. En fait, les situations imprévisibles, ça stress tout le monde. C'est inquiétant de ne pas savoir, on est tellement habitué de tout savoir, de tout contrôler. Et c'est souffrant l'inquiétude. Mais c'est vrai, certaines personnes sont plus intolérantes à l'incertitude que d'autres, et donc en souffrent plus. Le pire, c'est que quand on n'aime vraiment pas le gris, on a tendance à vouloir l'éviter, le contourner, le fuir, alors on structure, on contrôle, on met des cadres, parce que c'est rassurant. Mais ironiquement, comme on l'évite toujours, on finit par y être encore plus intolérant. C'est un cercle vicieux. C'est comme avec la lumière quand on est resté trop longtemps enfermé dans le noir, le soleil devient aveuglant. On est pu habitué. Alors on finit par le craindre et on ferme les rideaux pour ne pas être ébloui. Puis on en vient à oublier pourquoi on l'évitait au départ. Notre cerveau finit par croire que ça devait être vraiment dangereux, alors on barricade nos fenêtres, convaincu qu'on devait avoir une bonne raison.


Mais un jour, on se retrouve devant une situation imprévisible qu'on ne peut pas éviter, pas contourner, pas fuir, et alors on se sent coincé. Parce qu'on ne s'est pas pratiqué à endurer l'incertitude, parce qu'en le fuyant sans cesse, on a convaincu notre cerveau que c'était dangereux le gris. Mais ce n'est pas dangereux le gris. C'est comme s'exposer au soleil après un long moment enfermé dans le noir. Ça éblouit, ça fait grimacer et plus ça fait longtemps qu'on l'a évité, plus c'est inconfortable. Mais ce n'est pas dangereux. Parce que l'être humain est incroyablement bien fait, parce que malgré la peur et même si tu es convaincu que tu ne pourras pas y arriver, tes pupilles vont se contracter pour laisser entrer juste la lumière que tu es capable d'endurer, avant de grossir progressivement, jusqu'à ce que tu sois bien dans la lumière. Et pendant cette adaptation, tu seras peut-être pétrifiée sur le trottoir, incapable d'avancer, rageant contre l'univers et surtout contre toi-même. Mais ça ne donnera rien. Parce que tes pupilles devront prendre le temps de s'adapter et qu'étrangement, elles connaissent mieux que toi tes limites et elles les respecteront.


Alors tu as le choix. Tu peux sacrer, t'insulter et te taper sur la tête en attendant de pouvoir avancer à nouveau, en espérant ne plus rencontrer d'incertitude que tu ne pourras fuir. Ou tu peux accepter que ça t'atteigne, t'autoriser à être un être humain qui comme tout le monde a ses limites et t'accorder le temps de t'adapter. Pour que ton cerveau réalise que le gris, ce n'est pas dangereux. Que c'est inconfortable, que ça inquiète, que ça fait peur, mais que tu as tout pour y survivre. Pour que la prochaine fois que tu rencontreras une zone grise, tu puisses choisir de la traverser. Peut-être en tremblant, mais en sachant qu'après avoir survécu à l'incertitude d'une pandémie mondiale, c'est pas une petite ombre au tableau qui va avoir raison de toi.


Alors pendant que tu te trouves sur ce trottoir, prends quelques minutes pour répertorier tes forces et voir comment tu pourrais les utiliser dans la situation actuelle. Comment tu pourrais t'organiser comme tu sais si bien le faire mais avec des limites différentes, dans ce que tu peux gérer. Quelles solutions tu pourrais trouver pour assurer un certain équilibre entre les différentes sphères de ta vie. Comment tu pourrais gérer et évacuer tout ce stress par l'exercice physique, en ramenant ta pensée ici et maintenant, ou même en hurlant et pleurant dans ta voiture occasionnellement, parce que ça fait du bien et que ça sort le méchant. Comme ça, quand tes pupilles se seront adaptées, je suis convaincue que tu pourras avancer plus librement qu'avant. Fière de toi. Et qui sais, peut-être te prendras-tu à trouver que le gris est magnifique, lorsqu'il est mis en lumière.


Parce que #çavabenaller, ça veut peut-être dire "tu vas passer au travers, tu vas apprendre de tout ça et tu vas en sortir grandi".

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